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Journal, très court j'espère, d'un SDF de plus
20 décembre 2007

[67] Histoires secrètes

Jour 46

La routine s'installe peu à peu. Quand je reviens le soir au foyer, je suis épuisé.

Fouk l’asiatique a disparu. Dommage, même s'il avait toujours les yeux rouges, et l'haleine un peu chargée, je l'aimais bien ce gars-là. Il m'a raconté que dans un autre foyer, une fois, il s'était fait piquer sa carte d'identité. Il est sorti, avant de revenir avec 2 gros bidons d'essence à bout de bras, prêt à foutre le feu, si elle ne lui était pas restituée ! Ca m'a beaucoup fait rire son histoire.

Deux parties d’échecs contre Jean-Pierre, un gros bonhomme silencieux d’une cinquantaine d’années et qui joue depuis 15 jours. Excellent niveau acquis en très peu de temps.

J’ai filé un exemplaire de mon scénario - autant dire mon trésor - à Karim, ancien commissaire aux comptes qui a tout perdu en quelques mois. Comme les autres, je pense qu’il trouvera ça indigeste, et qu’il n’ira pas au bout. Peu importe. Je reste convaincu du potentiel de mon travail.

Hamid, pourtant très gentil, est encore là. Il nous a raconté qu'il s’est fait agresser par 4 mecs avec lesquels il avait sympathisé, en se faisant chouraver portable et portefeuille. Et quand il réplique à ses agresseurs avec un bâton pour se défendre, c'est lui la victime qui est embarquée par les flics avant d’être placé en garde à vue. Pas mal pour un gars arrivé à Toulouse depuis moins de 10 jours ! Qu'est-ce qu'il m'a fait poiler cet Hamid ! Il ne perd pas pas sa bonne humeur, et sérieusement, ce garçon pourrait faire de la scène, il a un style et une vitalité tout à fait charmantes.

Mais ce que je remarque le plus dans le foyer, c'est la pudeur ambiante. On parle de plein de choses extérieures à nous-mêmes, chacun à son histoire secrète, douloureusement secrète, car le foyer n'est pas un bureau des pleurs. Les gens ne sont pas là pour faire de malsaines comparaisons de souffrances, ou des séances de psychothérapies, on ne s'ouvre pas en public sur les raisons qui conduisent à un être à faire partie des moutons noirs. Ce genre de choses, se fait à la limite, en tête-à-tête. On n'est plus dans l'apparence, le fashion, les conventions sociales, plus que jamais on est dans l'humain.

Ainsi je me sens naturellement beaucoup plus proche des "pauvres", que des petits fortunés qui hantent les casinos. C'est un lieu commun que d'opposer richesse de portefeuille et richesse d'âme, mais pour ma part, et de ce que j'en ai vu, cette assertion m'apparaît incroyablement vraie. On ne peut pas tout avoir dans la vie.

Pourtant ce n'est pas ceux qu'on croit que j'envie le plus, loin de là...

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